Le Vatican souhaiterait éviter toute politisation de la visite du pape au Liban, qui ne serait d’ailleurs pas forcément une visite d’État.

Le Secrétaire pour les relations avec les États de la Secrétairerie d’État du Vatican, l’archevêque Paul Richard Gallagher, a annoncé jeudi aux membres du corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège que le pape François pourrait se rendre au Liban d’ici à la fin de l’année.

Une date plausible d’une visite serait à prévoir vers la fin de l’année, c’est-à-dire une fois passé la double échéance des législatives de mai et de la présidentielle d’octobre, selon des sources cléricales bien informées. Il y aurait en effet une volonté d’éviter que des parties libanaises, notamment chrétiennes, politisent la visite pour en faire un instrument électoral. Une invitation libanaise avait été transmise au Souverain pontife par les soins de l’ambassadeur du Liban auprès du Saint-Siège, Farid Elias el-Khazen, ancien député du Courant patriotique libre et proche du président de la République, Michel Aoun.

Mais il n’est pas sûr que la visite éventuelle du pape François soit une visite d’État. " Si elle a lieu, elle sera de type pastoral, symbolique ", en réponse à d’autres invitations qui lui ont été adressées, notamment par le patriarche maronite Mgr Béchara Raï, indique à Ici Beyrouth un analyste proche du Saint-Siège. Il fait le parallèle avec la visite éclair du pape en Hongrie en septembre dernier, où il s’est contenté d’un bref entretien avec le Premier ministre Viktor Orbán, figure de la droite radicale et de la montée aux extrêmes en Occident.

La visite du pape François au Liban, 25 ans après celle de Jean-Paul II et 15 ans après celle de Benoît XVI, n’a donc pas vocation à se faire auprès des Orbán locaux. Les valeurs visées sont celles consacrées dans le Document sur la fraternité humaine d’Abou Dhabi du 4 février 2019, signé par le pape François et le grand imam d’al-Azhar, Aḥmad al-Ṭayyib. " C’est ce document qui définit la diplomatie vaticane ", constate l’analyste. Et le Liban est un élément de ce document, mais aussi, peut-être " le lieu où ce document peut trouver une forme concrète ", poursuit l’analyste. C’est en partie grâce au modèle de gestion du pluralisme que le Liban serait d’intérêt pour la diplomatie du Vatican. Précisément, par Taëf en tant que modèle constitutionnel basé sur un partenariat islamo-chrétien, fondé sur une idée d’équilibre et de complémentarité plutôt que de rivalités identitaires.

C’est donc sur le terrain libanais que le document d’Abou Dhabi serait destiné à trouver une expression.

En parallèle, le Vatican maintiendrait ses efforts de " lobbying " pour une solution à la crise du Liban, qui fait partie de ces " tragédies oubliées " par la communauté internationale, comme l’avait dit François dans sa bénédiction urbi et orbi du 25 décembre dernier.

Or, la visite de Gallagher au Liban au début de mois de février, précédée par une lettre d’appui du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres au patriarche Raï aurait dessiné les contours d’" une connivence non formalisée en faveur de la neutralité du Liban " entre ces trois autorités, selon la source précitée.

La visite éventuelle du pape devra réaffirmer ce principe, même si le Vatican ne dispose pas les moyens d’un forcing radical qui assainisse le terrain libanais.

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