En suspendant son activité politique, le chef du Courant du Futur Saad Hariri a placé ses députés ainsi que les responsables au sein de son parti devant un choix difficile s’ils souhaitaient maintenir leur rôle politique, à savoir démissionner du Courant du Futur, ce qui n’est pas chose aisée pour tous, même si certains considèrent cette exigence comme une procédure de pure forme. Néanmoins, dans les faits, ses répercussions seraient considérables lors des élections.

À vrai dire, démissionner du Courant du Futur reviendrait pour les candidats à perdre une couverture politique et populaire. Rien n’empêcherait M. Hariri, par exemple, de donner comme mot d’ordre au public affilié à son parti de ne pas voter en faveur des candidats démissionnaires. De ce fait, comment voter pour ces derniers sans transgresser la décision de suspendre toute activité politique ?

Les partisans du Futur vont-ils mettre à exécution cette décision en boycottant les élections ? Et quel intérêt auraient ces derniers à boycotter le scrutin et des candidats qui étaient organiquement affiliés au Courant du Futur ?

En réponse, certains parmi ceux qui seraient concernés par la décision de démissionner rétorquent que le haririsme politique n’est pas la chasse gardée du Courant bleu. En effet, nombreux sont ceux qui expriment de la reconnaissance à Rafic Hariri pour ses réalisations au Liban et pour le rôle qu’il a joué en termes de développement et de prospérité. Ceux-là pourraient se présenter sous cette étiquette en reprenant les idées et la vision du président martyr et celles du Courant du Futur. Ce faisant, ils pourraient sur cette base rafler les voix des affiliés au Courant du Futur et autres partisans.

Quoi qu’il en soit, la prochaine étape ne sera pas une sinécure pour le Courant du Futur et ceux qui, dans ses rangs, souhaitent poursuivre l’activité politique, notamment si les élections législatives étaient maintenues. Leurs problèmes commencent à partir de la candidature jusqu’à la constitution des listes, ce qui sera une opération difficile et complexe. Les candidats aux élections de 2018 qui étaient sur la même liste seront-ils, par exemple, d’accord pour se regrouper à nouveau ? Désirent-ils tous démissionner du Courant du Futur ? Dans le cas contraire, qui pourrait les remplacer et comme choisir leur remplaçant ? Sous quelle étiquette politique et non politique les élections auraient-elles lieu ? Et sur base de quelles alliances ?

Dans certaines régions comme le Akkar, les divergences commencent à poindre au sein des mêmes rangs, et il en sera probablement de même pour Tripoli et Beyrouth également. L’heure n’est plus à la fête et les amants d’hier ne le seront plus.

Ce qui se passe est particulièrement grave pour la communauté sunnite, qui soutient majoritairement le courant souverainiste et la libre décision. En effet, la politique de la frustration ou du repli ou de la revanche ne fera qu’affaiblir la capacité de ses alliés à affronter l’axe de l’obstructionnisme (la " moumanaa ") qui est à l’affût du vote sunnite pour le neutraliser dans une bataille qui risque d’être fatidique dans l’histoire du Liban.