La ligne 23 ou la ligne 29 ? Laquelle " choisir " pour la délimitation des frontières maritimes entre Israël et le Liban ? Le débat sur ce plan, voire la polémique, a été relancé après la récente prise de position du président Michel Aoun qui a souligné que la frontière maritime légale du Liban se situe à la ligne 23, alors qu’il avait lui-même adressé une note officielle aux Nations-Unies affirmant que le Liban s’en tenait à la ligne 29 pour la délimitation de la frontière maritime (voir carte ci-jointe).

En quoi ces deux lignes maritimes diffèrent-elles et quelle serait la conséquence de l’un ou l’autre choix pour le Liban ?

La ligne 29 a été évoquée pour la première fois en 2011 dans un rapport de l’entreprise UK Hydrographic Office. Mais la teneur de ce rapport n’a pas été retenue par les responsables libanais pour des raisons qui sont restées obscures. L’armée libanaise a repris à son propre compte 10 ans plus tard l’option de cette ligne 29 en la remettant sur le tapis lors des négociations indirectes de Naqoura entre le Liban et Israël. Mais une nouvelle fois cette option n’a pas été retenue par le pouvoir libanais pour des raisons non déterminées.

Cette ligne 29 agrandit de 2210 kilomètres carrés la zone de litige entre Israël et le Liban. Cette zone litigieuse s’étendrait ainsi de la ligne 1 (fixée initialement par Israël) à la ligne 29, la détermination de la 29 étant fondée sur des données juridiques et internationales solides qu’aucune partie ne saurait être contestée. Preuve en est que les négociateurs israéliens ont paru visiblement perturbés lorsque le Liban a fait état de son attachement à la ligne 29. Face à la position libanaise sur ce plan, Israël a brandi la menace de s’en tenir à une nouvelle ligne située au large de Saïda (!), sans présenter toutefois des documents légaux justifiant une telle option.

Si le Liban était resté attaché à la ligne 29, la zone d’exclusion économique, définie par le décret 6433, aurait été amendée en conséquence, et le Liban aurait alors été en mesure de réclamer des droits d’exploitation dans le champ israélien gazier Karish et dans le bloc israélien 72. Les compagnies étrangères œuvrant dans cette zone, notamment la société américaine Chevron, auraient été contraintes de suspendre les travaux de forage et d’extraction dans l’attente du règlement du litige entre le Liban et Israël, sachant que les études israéliennes prouvent l’existence d’un important champ gazier dans la région.

L’adoption par le Liban de la ligne 23 a pour conséquence que la zone de litige s’étend désormais de la ligne 1 à la ligne 23, soit une superficie de 860 kilomètres carrés. Dans ce cas de figure, le champ Karish, situé au sud de la ligne 23, n’est plus dans la zone de litige. Il en résulte que les Israéliens peuvent fournir désormais des garanties et des assurances aux sociétés œuvrant dans cette région, de sorte qu’elles peuvent extraire et exploiter le gaz sans aucune entrave et loin de toute menace possible.

Cette nouvelle donne implique que les négociations porteront sur une région où sont situés les blocs 8,9 et 10, au Sud. Il en résulte, notamment, que la société TOTAL, à titre d’exemple, ne peut pas entamer le forage dans la zone du bloc 9 avant le règlement du litige dans cette région. Cela pourrait en outre se répercuter négativement sur la participation des sociétés à l’appel d’offres portant les blocs 8 et 10.

Au stade actuel, et compte tenu de ces données, le grand acquis que pourrait encore enregistrer le Liban dans les négociations sur cette zone de litige, d’une superficie de 860 kilomètres carrés, serait d’obtenir que la région en question soit entièrement sous contrôle libanais. Mais ce serait sans compter avec la position israélienne qui pourrait réclamer un retour à la ligne Hof qui divise la zone litigieuse (comprise entre la ligne 1 et la ligne 23) entre deux parties : l’une sous contrôle libanais, d’une superficie de 490 kilomètres carrés, et la seconde d’une superficie de 370 kilomètres carrés, sous contrôle israélien. Reste à relever en conclusion qu’un retour à la ligne Hof aurait pour conséquence une perte par le Liban de certaines parties des blocs 8,9 et 10.