À l’issue d’une réunion extraordinaire tenue au siège du PNL, à Sodeco, le Front souverainiste a publié un communiqué soulignant que les dernières poursuites engagées contre le leader des Forces libanaises sont une manipulation orchestrée par un lobby sécuritaire iranien, qui n’est pas sans rappeler les pratiques de l’appareil sécuritaire libano-syrien à l’époque de l’occupation syrienne. 

Le Front Souverainiste pour le Liban a tenu durant le week-end écoulé une réunion extraordinaire pour se pencher sur "les dérives du régime sécuritaire iranien et son hégémonie totale sur le secteur judiciaire". La dernière plainte déposée vendredi par l’adjoint du procureur militaire, Fadi Akiki, contre le leader du parti des Forces Libanaises, Samir Geagea, a produit dans ce cadre un effet de choc.

Alors que la justice est partout entravée, allant du dossier de l’explosion du port de Beyrouth, jusqu’à celui des arrestations arbitraires et révoltantes de plusieurs jeunes de Aïn Remmané, "voilà que le régime sécuritaire de la milice iranienne du Hezbollah et de ses collaborateurs au sein du gouvernement, s’octroient le luxe d’entamer une nouvelle exaction, ou acrobatie judiciaire, contre le camp souverainiste", souligne sans ambages un responsable du Front souverainiste.

Le Front, qui comprend en son sein le parti des Forces Libanaises, "ne pouvait rester passif face à une telle manipulation politico-judiciaire et sécuritaire", affirme la source en question. D’autant que la teneur de la plainte contre M. Samir Geagea a trouvé son fondement dans les propos d’un “témoin” qui se prétend membre du Parti National Libéral. Or c’est précisément la Maison centrale de ce parti à Sodeco qui sert de siège au Front souverainiste. Ce dernier se retrouve ainsi doublement concerné par la nouvelle affaire contre la personne de M. Samir Geagea.

Un régime sécuritaire

La réunion extraordinaire que le Front a ainsi tenue à Sodeco a été ouverte par l’avocat Élie Mahfoud, chef du mouvement du Changement, qui a mis l’accent sur la gravité d’une telle bavure judiciaire. Il a précisé que la raison de l’indignation des membres du Front est indépendante de la personne de M. Geagea puisqu’un tel dérapage, a-t-il relevé, pourrait potentiellement s’étendre à tout souverainiste, quel qu’il soit. Sans oublier que ces diffamations s’étaient déjà intensifiées, il y a quelques jours, en réaction à la visite du patriarche maronite, Mgr Béchara Boutros Raï, en Egypte.

C’est le système sécuritaire syrien qui tente de se réinstaller en version iranienne "avec l’aide des collaborateurs du régime actuel". Élie Mahfoud à également indiqué que les avocats du Front allaient demander à cet égard au procureur Ghada Aoun où en est le dossier de la plainte déposée contre Hassan Nasssrallah. Prévoyant une dégradation de la situation dans les semaines à venir, Élie Mahfoud a annoncé la formation d’une cellule de travail qui aura pour mission de suivre les dossiers liés à l’affaire de Aïn el-Remmané.

Le communiqué

A l’issue de la réunion, le Front souverainiste a publié un communiqué lu par le secrétaire du PNL Camille Joseph Chamoun. Après avoir fait part de la "surprise" du Front face à la plainte déposée par l’adjoint du procureur du gouvernement près le tribunal militaire contre Samir Geagea dans l’affaire de l’attaque de Aïn Remmané, le Front a mis l’accent sur le montage médiatique qui a préparé la plainte.

" Cette plainte, souligne le communiqué, a été précédée d’une campagne médiatique, de témoignages montés de toute pièce et d’articles dans des journaux jaunes (du Hezbollah) qui confirment clairement l’existence d’un régime sécuritaire libano-iranien qui cible le peuple libre au Liban en fabriquant de faux dossiers et en lançant des allégations. Ces mêmes journaux, rappelle le communiqué, sont ceux qui se sont lancés dans des diffamations contre Sa Béatitude le patriarche maronite, Béchara Boutros Raï, et qui ont lancé des calomnies jusqu’à provoquer l’effondrement de toutes les institutions de l’État et du secteur privé".

Des attaques orchestrées par les Iraniens

Pour le Front souverainiste, "ces attaques tous azimuts contre les souverainistes sont orchestrées par les Iraniens avec la couverture de collaborateurs au palais présidentiel". Et le Front d’affirmer à ce propos que "la situation actuelle en 2022 ne peut être assimilée à celle de l’année 1994". De ce fait, il en appelle à "l’autorité judiciaire représentée par le Conseil Supérieur de la Magistrature pour qu’il mette un terme aux irrégularités commises par les juges affiliés au régime, afin de sauvegarder ce qui reste du prestige de la magistrature".

Le Front se demande en outre sur ce plan comment dans l’affaire de Ain el-Remmané, "l’agresseur peut-il devenir la victime, et la victime le bourreau".

Le Front souverainiste accuse explicitement le tribunal militaire d’être devenu "un outil entre les mains du Hezbollah qui a édifié au cœur de l’État un système judiciaire sécuritaire et médiatique, avec un réseau et d’agents dans toutes les administrations et institutions". Et le communiqué d’indiquer que "le modus operandi consiste en la publication d’articles qui se transforment en enquêtes des services de sécurité puis en plaintes judiciaires". "Ce système sécuritaire libano-iranien, rajoute le communiqué, rappelle l’époque de son modèle libano-syrien, et devient une véritable menace pour les libertés au Liban".

En conclusion, le communiqué n’a pas manqué de condamner, une fois de plus, la détention arbitraire des habitants agressés de Aïn el-Remmané, sachant que "pas un seul des agresseurs armés, dont les photos sont apparues par centaines sur les réseaux sociaux, n’a fait l’objet de la moindre enquête". Le Front souverainiste a rappelé à "l’opinion publique libanaise, au Conseil Supérieur de la Magistrature et aux magistrats" qu’il a déposé une plainte pénale contre le secrétaire général du Hezbollah, qui a fini dans le tiroir de l’oubli du procureur de la Cour d’appel du Mont Liban.

Un régime agonisant

Le président du Parti National Libéral, Camille Dory Chamoun, a pris la parole après la lecture du communiqué, pour souligner que ce comportement du système sécuritaire n’améliore en rien la situation dans le pays, et qu’il dénote au contraire une sorte de fuite en avant. "Ce mépris pour toutes les valeurs de la justice, du droit et des libertés n’est que l’annonce d’un régime agonisant", a déclaré M. Chamoun.

Peter Germanos : Un vice de procédure

Le volet technique de cette affaire a par ailleurs été présenté par l’ancien procureur général près le tribunal militaire, le juge Peter Germanos. Selon son éclaircissement, une fois que l’adjoint du procureur près le parquet militaire, en l’occurrence Fadi Akiki, a déposé le dossier d’une affaire devant un juge d’instruction militaire, ce dernier devient objectivement seul maitre de son dossier. Le parquet n’a plus de prérogatives qui lui permettent d’intervenir en y adjoignant une nouvelle plainte. Seul le juge d’instruction a le droit de le faire.

La plainte déposée par l’adjoint du procureur, Fadi Akiki, contre Samir Geagea, relève ainsi d’un vice de procédure. Notons aussi à ce sujet que le poste de procureur général près le tribunal militaire est vacant depuis la démission du juge Peter Germanos en 2020 suite à un conflit qui l’avait opposé au tandem Hariri-Bassil.

Rappelons enfin que le Front souverainiste a été formé le 29 septembre 2021. Il regroupe une vingtaine de formations souverainistes issues de la société civile ainsi que des personnalités et partis politiques tels que les Forces Libanaises, le Parti National Libéral, le Parti syriaque international et les Gardiens du Cèdre. Le but de ce front est de dénoncer ouvertement la mainmise du Hezbollah sur le Liban, son État et ses institutions, et de mettre l’accent sur son rôle de bras armé de la République islamique d’Iran.