La photo souvenir des chefs d’États et de gouvernements posant devant les objectifs des caméras qui ont afflué du monde entier pour couvrir les travaux du Sommet sur le climat (Cop27) qui se tient pour la première fois dans une ville arabe, à savoir Charm el-Cheikh, en Égypte, ne suffira pas. De même que les déclarations clichées éculées dans un langage châtié. Il en faudra bien plus, à commencer par le respect par les gouvernements de leurs engagements précédents en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et d’aide à fournir aux pays pauvres afin qu’ils puissent affronter les effets dévastateurs du changement climatique.

La problématique du changement climatique a fait couler beaucoup d’encre, et s’est aggravée durant ces dernières années, après avoir pris un tournant inquiétant depuis la révolution industrielle et le développement frénétique des moyens de production industrielle, métamorphosant ainsi la nature de la structure socio-économique des sociétés, qui reste le facteur le plus important. La croissance des industries lourdes et massives ainsi que la construction d’usines polluantes au fil des ans ont rendu le problème encore plus difficile et complexe.

Il ne fait aucun doute que la montée en flèche des grandes entreprises industrielles sur le plan économique et leur "succès" remarquable à franchir les frontières leur ont conféré une puissance "politique" et financière qui a influé sur le cours des événements.  D’autant qu’elles sont parvenues à former des groupes de pression dans les pays occidentaux, et ont profité des orientations capitalistes et libérales de ces pays afin de consolider leur hégémonie et leur domination sur les économies de marché. De plus, ces entreprises se sont opposées à la promulgation de toute réglementation qui les contraindrait à limiter leurs activités commerciales et contrôler leurs violations dangereuses de l’environnement.

Par ailleurs, la sécheresse sans précédent qui a frappé l’Europe l’année dernière ainsi que les inondations catastrophiques au Pakistan ne sont que quelques exemples, s’il en fallait, des phénomènes climatiques et environnementaux dangereux auxquels le monde sera exposé et qui dépassent les capacités humaines à y faire face, quels que soient les moyens et le potentiel dont disposent certains pays. Sans compter les pays en voie de développement, qui ne sont pas responsables du changement climatique, mais qui payent le prix fort au même titre que les autres grands pays pollueurs.

Les données scientifiques indiquent qu’une augmentation des températures de deux degrés Celsius d’ici la fin du siècle rendra la planète cinq fois plus vulnérable aux inondations, aux tempêtes, aux sécheresses et à la canicule, selon les estimations du Haut Conseil pour le climat sur le changement climatique. Ces graves informations exacerbent les craintes, à l’instar des chiffres relatifs à l’augmentation significative des gaz à effet de serre enregistrée l’année précédente.

Notons que la majeure partie des gaz à l’origine du réchauffement climatique provient de sources d’énergie traditionnelles, telles que le charbon, le pétrole et le gaz, encore utilisées pour assurer la majorité des besoins énergétiques des pays, notamment dans la sidérurgie, la fourniture d’électricité pour les foyers, les usines, l’industrie, ainsi que pour le fonctionnement des voitures, des avions et des navires. Par conséquent, la responsabilité humaine dans le changement climatique est scientifiquement prouvée.

De ce fait, tout le débat qui consiste à faire assumer à la nature et certains éléments, tels que les volcans, la lave et autres phénomènes naturels, une quelconque responsabilité dans le changement climatique n’est rien de plus qu’une tentative désespérée de détourner l’attention des véritables causes reconnues, que sont les émissions toxiques résultant d’une activité économique non réglementée et non contrôlée sur le plan environnemental.

Ceci dit, les pays développés s’étaient engagés à fournir 100 milliards de dollars par an avant 2020 afin d’aider les pays pauvres à s’adapter aux effets du changement climatique. Évidemment, cela ne s’est pas produit en raison du contexte économique international imposé par la pandémie de la Covid-19 et le gel des activités économiques, commerciales et industrielles qui ont suivi. Sans compter l’indifférence des pays pollueurs, en tête desquels figurent les États-Unis et la Chine.

Partant, le problème fondamental porte aujourd’hui sur la question de savoir si le timing de ce sommet est opportun, compte tenu du contexte politique internationale maussade et agité. Washington et Pékin, par exemple, pourront-ils s’entendre sur la question climatique à un moment où les relations politiques sont tendues en raison de la question de Taïwan, entre autres ? L’UE sera-t-elle en mesure de prendre de nouveaux engagements climatiques au moment où elle peine à se fournir en ressources énergétiques alternatives à l’approche de l’hiver, pour parer aux retombées de la guerre russe contre l’Ukraine et la décision implacable de Moscou de suspendre l’approvisionnement de l’Europe en énergie ?

La journaliste et chercheuse canadienne Naomi Klein met le doigt de manière directe sur cette problématique dans son livre " This Changes Everything " (Cela change tout), paru en 2014. Dans son ouvrage, Naomi Klein souligne que le vrai problème n’est pas le carbone et les émissions en soi, mais plutôt le système économique mondial dominé par des approches capitalistes qui échappent à toute réglementation légale, administrative et même humaine, et ceci, au profit de gains matériels qui restent au-dessus de toute considération. De son point de vue, la crise existentielle actuelle mondiale doit nous inciter à revoir les fondements du système économique désintégré afin de le transformer progressivement en un système plus équitable et moins destructeur pour l’environnement et la nature.

L’enchevêtrement profond entre le système capitaliste mondial et le réchauffement climatique ne peut pas être traité en raison des intérêts des pays et des multinationales qui priment au détriment de la viabilité de la planète comme lieu de vie pour les peuples et les générations futures. D’ailleurs, la disparition pure et simple de l’humanité sera inéluctable si rien n’est fait pour renverser la tendance. En réalité, le conflit environnemental porte non seulement un caractère théorique et idéologique entre des écoles de pensée contradictoires, mais touche également à la pérennité de la planète entière.

Par conséquent, la tentative "d’idéologiser" le conflit pour échapper aux évidences climatiques, environnementales et économiques constitue une approche irresponsable, au regard de l’ampleur, de la profondeur et de la nature du problème. Tout autre discours fera tout bonnement échouer ce sommet de la COP27, qui finira par subir le même sort que ses prédécesseurs.