Joe Biden a conclu samedi sa tournée au Moyen-Orient en déclarant, non sans fierté, qu’il est le premier président américain depuis 2001 à se rendre dans la région sans que l’armée US soit engagée dans une importante intervention militaire. Lors de sa visite en Arabie saoudite, Biden a réussi à convaincre les Saoudiens d’augmenter la production du brut dans le but de fléchir les cours sur les marchés et ainsi réduire l’inflation qui ternit sa popularité et déstabilise les économies occidentales. Biden a également, et surtout, annoncé un " come back " de l’Amérique au Moyen-Orient pour éviter " un vide que pourraient remplir la Chine, la Russie ou l’Iran ". Mais l’image du président a souffert du fait de sa rencontre avec le prince héritier saoudien, accusé par les SR américains d’avoir commandité l’assassinat du journaliste Jamal Kashoggi. La presse et les activistes n’ont pas tardé à l’accuser de mettre l’éthique en veille pour quelques barils de pétrole…

Joe Biden avec sa task force diplomatique: Blinken, Hochstein et Sullivan.

Joe Biden a affirmé samedi, à l’issue d’une visite en Arabie saoudite désastreuse en termes d’image, que les Etats-Unis " ne se détourneraient pas du Moyen-Orient ", tout en promettant une " vision " nouvelle pour la région.

Dans un discours prononcé à Jeddah lors d’un sommet réunissant les six membres du Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Qatar, Oman, Koweït, Bahreïn), ainsi que l’Egypte, la Jordanie et l’Irak, le président américain a promis que son pays " ne se détournerait pas " du Moyen-Orient en laissant " un vide que pourraient remplir la Chine, la Russie ou l’Iran ".

Soulignant qu’il était le premier président américain depuis les attentats du 11 septembre 2001 à arriver au Moyen-Orient sans que l’armée américaine soit engagée dans une intervention militaire de grande ampleur, il a affirmé devant un parterre de dirigeants arabes que " les Etats-Unis investissaient pour construire un meilleur avenir dans la région en coopération avec vous tous ".

Le président américain de 79 ans, dont le discours a été applaudi, a conclu samedi sa première tournée au Moyen-Orient après une visite en Israël et dans les Territoires palestiniens.

Critiqué pour sa visite dans la monarchie du Golfe accusée de graves violations des droits humains, il a affirmé que " le futur appartiendrait aux pays (…) dont les citoyens peuvent remettre en cause et critiquer leurs dirigeants sans peur de représailles ".

" Intégration, interconnexion. Ce sont les thèmes sous-jacents de notre réunion " a-t-il dit.

Avertissement à l’Iran

L’administration Biden dit vouloir promouvoir une nouvelle " vision " pour le Moyen-Orient, basée sur le dialogue et la coopération économique et militaire. Avec en toile de fond les processus de normalisation entre Israël et les pays arabes.

Ce qui ne l’a pas empêché de promettre, dans une allusion transparente à Téhéran où se rend bientôt le président russe Vladimir Poutine : " Nous ne tolérerons pas qu’un pays essaie d’en dominer un autre dans la région au travers de renforcement militaires, d’incursion, et/ou de menaces. "

Un milliard pour la sécurité alimentaire

Le président américain a " solennellement " invité son homologue des Emirats arabes unis, Mohammed ben Zayed, à se rendre aux Etats-Unis, après des relations glaciales ces derniers mois.

Les Etats-Unis ont aussi promis un milliard de dollars en soutien à la sécurité alimentaire " à court et à long terme " au Moyen-Orient et en Afrique du nord.

L’ombre de Khashoggi

Le voyage reste toutefois marqué par l’image d’un président échangeant le " check " du poing avec le prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS), accusé par les renseignements américains d’être le commanditaire de l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Kashoggi en 2018. Joe Biden avait d’ailleurs promis de traiter l’Arabie saoudite en " paria ".

Le président américain a assuré vendredi, dans un point presse organisé à la hâte en soirée, avoir évoqué cette affaire " au tout début " de sa réunion avec le prince héritier, de fait aux commandes de la riche monarchie, assurant avoir été " on ne peut plus clair ".

Une " tragédie " classée

Selon le ministre d’Etat aux Affaires étrangères Adel al-Jubeir interrogé par CNN, le prince héritier " a expliqué vendredi (à M. Biden) qu’il s’agissait d’une tragédie pour l’Arabie saoudite "

Il lui a dit que " les responsables avaient fait l’objet d’une enquête, avaient été confrontés à la justice et payaient désormais pour le crime ", a ajouté M. Jubeir, indiquant par là que pour le royaume, il s’agissait d’une affaire classée.

" Se renier pour quelques barils de pétrole "

Plusieurs grands journaux américains mettaient jeudi en Une la photo de cette salutation semblant presque désinvolte, tandis que des activistes accusent le président américain de se renier pour quelques barils de pétrole.

Le prince héritier saoudien, MBS, recevant les dirigeants des pays du golfe. Le président égyptien al-Sissi, le roi Abdallah II de Jordanie et le Premier ministre irakien Moustafa Kazimi étaient également conviés à la réunion de Jeddah.

La hausse du gallon d’essence est un enjeu considérable à quelques mois des élections de mi-mandat aux Etats-Unis.

" Je fais tout mon possible pour augmenter la production pour les Etats-Unis ", a dit Joe Biden vendredi, assurant avoir eu des discussions fructueuses avec les Saoudiens, dont les résultats concrets se verront " dans quelques semaines ".

Contrats et normalisation avec Israël

L’Arabie saoudite et les Etats-Unis ont conclu 18 accords de coopération dans des domaines très variés (spatial, finance, énergie, santé), selon un communiqué de la monarchie du Golfe.

Par ailleurs, Washington cherche à dessiner un chemin vers une normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite, qui n’ont pas de relations officielles.

Joe Biden avec Moustafa Kazimi, le Premier ministre irakien.

Joe Biden a salué la décision " historique " de Ryad d’ouvrir son espace aérien à " tous les transporteurs ", y compris israéliens, et a annoncé des progrès au sujet d’un îlot stratégique en mer Rouge, situé entre l’Arabie saoudite, l’Egypte et Israël.

La Maison Blanche a fait d’autre part état d’un accord de l’Arabie saoudite pour connecter les réseaux électriques des pays du Golfe à celui de l’Irak, qui dépend grandement de l’énergie importée d’Iran, bête noire des Américains comme des Saoudiens.

Avec AFP