Après les deux film d’Emmanuel Mouret, Mademoiselle Joncquières en 2018 et Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait en 2020, Chronique d’une liaison passagère, présenté dans la sélection Cannes première au Festival de Cannes 2022, raconte l’histoire d’une mère célibataire et d’un homme marié, père de famille, qui deviennent amants. Les deux personnages, Charlotte et Simon, sont respectivement incarnés par Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne. Engagés à ne se voir que pour le plaisir et à n’éprouver aucun sentiment amoureux, ils sont de plus en plus surpris par leur complicité…

Quant à l’image, Laurent Desmet met en relief un Paris de lumière et de fraîcheur, comme elle, ainsi qu’un village de printemps où l’eau va son cours, tout comme les relations et la vie, comme lui. Les images s’enchaînent sur une musique apaisante. Plusieurs plans-séquences permettent aux spectateurs d’être témoins de ces personnages qui se fuient et se retrouvent sans cesse, tout comme ils fuient ce cadre… et y réapparaissent. Dans la nature, en revanche, pas de hors-champ. Tout est espace ouvert et les personnages vibrent en harmonie en milieu "naturel". La nature, un homme, une femme. Un regard, une ébauche de sourire et la peur d’en dire plus long.

Chronique d’une liaison passagère, un film écrit et réalisé par Emmanuel Mouret – Avec Sandrine Kiberlain (Charlotte), Vincent Macaigne (Simon), Georgia Scalliet (Louise)

Le toucher est présent avec retenue tout au long du film. C’est un toucher pudique, délicat et révélateur à la fois, auquel le spectateur est livré, avec un ton joyeux et un rythme rapide.

Mais à force de forcer la légèreté, d’ôter tout questionnement, toute remise en question relationnelle, et de négliger tous les points sur les i, la relation connaît un acheminement vers un semblant de tristesse non verbalisée. L’intensité est là, dans le "passager". Le jeu des corps trouve son chemin vers le cœur et l’intériorisation s’installe, créant un néant de non-dits au sein de ce semblant de couple.

Les règles du jeu étaient pourtant bien claires. Pas d’attachement. Rien que du plaisir. Mais comment le plaisir s’installerait-il dans la durée s’il ne transcendait pas la force motrice du ça et le plaisir immédiat? Charlotte donne la mesure d’une relation démesurée, entraînant Simon de son plein gré aussi dans une relation qu’il s’efforce de décortiquer sans sa tête pour qu’elle ne soit plus aussi adultère que cela. Les dialogues s’enchaînent, libres, et enchaînent peu à peu les personnages dans un partage irréversible. Le duo ne fonctionne que trop bien, jusqu’à l’arrivée de Louise incarnée par Georgia Scalliet. La femme n’incarne en fait que le doute ou l’élément surprise qui prend au dépourvu un équilibre instable… Pourquoi alors ce profond sentiment de tristesse, de déboussolement, alors que tout était voué dès le début à n’être que passager? Tout est dans la légèreté. Mais si rien n’était léger? Si tout, même les cœurs, tout comme les corps, se pliaient à la loi de la pesanteur?

Marie-Christine Tayah
@mariechristine.tayah