Si les armes occidentales ont permis jusqu’à présent à l’Ukraine de résister aux forces russes, les frappes de la semaine du 14 au 20 novembre ont mis Kiev à rude épreuve. La Russie a visé les infrastructures énergétiques ukrainiennes, privant la majeure partie de la population de l’eau chaude et de l’électricité alors que s’installe le rude hiver. De l’aveu même du chef d’état-major américain, le général Mark Milley, il est temps de doter l’Ukraine d’armes occidentales plus sophistiquées, comme les missiles antimissiles Patriot et des avions F-15 et F-16. Mais Washington hésite, par peur que cela ne soit perçu comme une escalade par Moscou.

Une attaque russe aux drones et missiles avait laissé le 31 octobre près de 80% des habitants de la capitale sans eau et 350.000 foyers sans électricité, avant qu’une partie des dégâts ne soit réparée.

 

 

La défense antiaérienne joue un rôle essentiel, et très efficace, dans la réponse de l’Ukraine à l’invasion russe, mais elle est mise à rude épreuve par l’intensification des frappes de Moscou.

En difficulté au sol, la Russie multiplie depuis octobre les bombardements sur les infrastructures énergétiques ukrainiennes, une pluie de frappes particulièrement nourrie cette semaine.

Si la défense ukrainienne a jusqu’ici empêché Moscou de prendre le contrôle de l’espace aérien, les alliés de Kiev sont conscients qu’il faudra la renforcer pour qu’elle tienne face à ce déluge de feu.

Le chef d’état-major américain estime peu probable au moins à court terme que l’Ukraine puisse déloger militairement la Russie de l’ensemble des territoires qu’elle occupe dans le pays, y compris la Crimée. Lors d’une conférence de presse au Pentagone, le général Mark Milley a aussi jugé que les frappes de missiles russes ayant visé la veille les infrastructures d’énergie civile en Ukraine constituaient un " crime de guerre ".

 

 

Alors qu’ils proposent d’envoyer à la fois des armes modernes et anciennes, en soulignant qu’elles ne seront pas immédiatement disponibles, l’Ukraine juge qu’il est temps de lui livrer des batteries sophistiquées de style Patriot.

" L’Ukraine continue à se battre et ses capacités de défense aérienne seront essentielles pour qu’elle l’emporte ", a reconnu mercredi le chef d’état-major américain, le général Mark Milley.

" Un système de défense aérienne et anti-missile intégré sera nécessaire pour repousser les attaques aériennes russes ", a-t-il ajouté, en notant que les frappes de mardi représentaient " probablement la salve la plus nourrie depuis le début de la guerre ".

Le Pentagone a recensé ce jour-là 111 tirs de missiles russes et 26 drones kamikazes.

Un aileron d’un drone iranien " Shahed " détruit par l’armée ukrainienne à Kiev. Il porte une inscription en russe pour camoufler le pays d’origine, car la Russie et l’Iran niaient toute coopération militaire entre les deux pays. Vers le bas, rédigé à la main, une inscription en russe " Pour Belgorod ", qui veut dire que la frappe du drone est destinée à venger la ville russe frontalière de Belgorod, souvent ciblée par les bombes ukrainiennes. (AFP)

 

 

Quand la Russie a envahi l’Ukraine en février, la défense aérienne de Kiev reposait essentiellement sur des avions soviétiques et des systèmes anti-missiles, qui ont été utilisés efficacement pour empêcher Moscou de contrôler l’espace aérien.

Cette réponse a affecté " à peu près tous les aspects de la puissance aérienne russe ", explique Karl Mueller, spécialiste de questions sécuritaires et militaires à la Rand Corporation.

Selon lui, les systèmes ukrainiens de longue et moyenne portée ont forcé les avions russes à puiser dans des stocks de missiles limités, puisqu’il leur fallait tirer de loin afin de ne pas être détruits.

L’Ukraine a reçu de l’Allemagne le système de défense antiaérienne Iris-T.

 

 

Et les systèmes de courte portée ont " réellement limité la capacité des Russes à utiliser leurs hélicoptères d’attaques et leurs avions bombardiers sur le champ de bataille ", poursuit l’analyste.

Pour lui, plusieurs facteurs expliquent le succès ukrainien, notamment le fait que le pays " avait beaucoup de systèmes de missiles sol-air " qui ont été bien utilisés. Ses défenses étaient également très mobiles, ce qui a permis de les disperser pour échapper aux frappes russes.

Kiev a également reçu le système américain NASAMS.

 

 

Enfin, " les forces aériennes russes ne sont pas très bonnes pour attaquer les défenses antiaériennes ", n’ayant pas, contrairement aux Etats-Unis, d’unités spécialisées pour remplir cette mission, ajoute M. Mueller

Depuis le début de la guerre, la défense antiaérienne ukrainienne a été enrichie avec des systèmes sophistiqués, comme ceux de type NASAMS fournis par les Etats-Unis ou Iris-T venus d’Allemagne, et des systèmes plus anciens comme les S-300 et Hawk.

Le système Patriot.

 

 

Mais Kiev et ses alliés sont convaincus qu’il faut aller plus loin.

Lors d’une réunion, mercredi, la coalition internationale a réfléchi, selon le général Milley, " à la manière de fournir la bonne combinaison de systèmes antiaériens et de munitions pour que l’Ukraine conserve son contrôle du ciel ".

Les forces de Kiev parviennent déjà à abattre les missiles et drones russes, avec 102 cibles détruites depuis le 11 novembre, selon l’armée ukrainienne.

Un chasseur-bombardier F15.

 

 

Mais aucun système de défense antiaérien n’est capable de bloquer toutes les attaques, comme l’ont rappelé les frappes de mardi qui ont privé des millions d’Ukrainiens d’électricité au moment des premières neiges.

Le ministre des Affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kouleba, s’est donc dit " convaincu que le temps des Patriots était arrivé ", dans un message sur Twitter jeudi. Plus tôt dans la semaine, il avait demandé des avions de combat F-15 et F-16.

Un chasseur-bombardier F16.

 

 

Washington hésite à doter l’Ukraine de ces batteries à longue portée ou d’avions par peur que cela ne soit perçu comme une escalade par Moscou.

" Mais à long-terme, les Ukrainiens auront besoin d’avions fabriqués en Occident ", estime M. Mueller. Face à la recrudescence des frappes russes, renforcer la défense ukrainienne " est sans aucun doute une priorité pour leur permettre de survivre ".

Avec AFP