Poursuivi depuis 2018 par une plainte regroupant des Yéménites et une ONG, le président des Émirats arabes unis Mohammed ben Zayed Al-Nahyane a été absous par la justice française en raison d’une immunité de juridiction pénale étrangère absolue en tant que chef d’État.

La justice française a enlevé mercredi une épine du pied du président des Émirats Arabes Unis Mohammed ben Zayed Al-Nahyane, dit MBZ, en clôturant, au nom de son immunité, une procédure le visant en France pour " complicité d’actes de torture " dans le cadre du conflit au Yémen.

" Après avoir examiné tant la recevabilité du recours que les pièces de procédure ", la Cour de cassation, plus haute juridiction judiciaire française, " constate qu’il n’existe, en l’espèce, aucun moyen de nature à permettre l’admission du pourvoi ", dans sa décision consultée par l’AFP, confirmant ainsi le non-lieu prononcé en appel dans ce dossier.

La Cour de cassation française a confirmé le non-lieu dans la procédure visant le président des Émirats arabes unis (AFP)

 

 

En novembre 2018, six Yéménites et l’ONG française Alliance internationale pour la défense des droits et libertés (AIDL) avaient déposé plainte avec constitution de partie civile au pôle crimes contre l’humanité du Tribunal judiciaire de Paris à l’occasion d’une visite de MBZ, alors prince héritier émirati.

En vertu de sa " compétence universelle " pour les crimes les plus graves, la justice française a la possibilité de poursuivre et de condamner les auteurs et complices de ces crimes lorsqu’ils se trouvent sur le territoire français.

Les plaignants dénonçaient notamment des actes de torture commis dans les centres de détention contrôlés par les forces armées des Émirats Arabes Unis, mais aussi des blessures ou la mort de proches causées par des bombardements survenus lors de funérailles à Sanaa fin 2016, imputés aux forces de la coalition à laquelle participent les EAU.

France Émirats arabes unis
MBZ lors de sa visite en France le 17 juillet dernier.

 

 

L’un des plaignants a raconté avoir été emprisonné alors qu’il œuvrait pour la libération des Yéménites détenus aux mains des forces émiraties. Il a été " placé dans un +trou+ aussi grand qu’un tonneau pendant 48 heures, les pieds et les mains liés par des fils de fer ", puis il a été " déshabillé et pendu par les mains au plafond pendant plusieurs heures ", électrocuté et brûlé par des cigarettes, détaille la plainte.

Mohammed ben Zayed étant alors le commandant suprême adjoint des forces armées des Émirats Arabes Unis, il est " susceptible d’avoir fourni les moyens et les instructions pour la réalisation de ces infractions ", soulignait la plainte.

Immunité absolue
France Émirats arabes unis
MBZ lors de sa visite en France le 17 juillet dernier.

 

 

Une information judiciaire avait été ouverte à Paris en octobre 2019, dans laquelle s’est immédiatement posée la question de l’éventuelle immunité dont pourrait bénéficier MBZ.

Dans une note de février 2020, le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, saisi pour avis, avait estimé que MBZ était alors de facto chef d’État émirati, lui conférant une immunité de juridiction pénale étrangère absolue.

Le parquet national antiterroriste, compétent en matière de crimes contre l’humanité, avait demandé un an plus tard au juge d’instruction de prononcer un non-lieu au nom de cette immunité. Ces réquisitions avaient été suivies en juillet 2021 d’une ordonnance de non-lieu, confirmée en appel en janvier dernier.

MBZ est accusé de " complicité d’actes de torture " dans le cadre du conflit au Yémen (AFP)

 

 

Les plaignants ont formé un pourvoi, examiné le 12 octobre.

Ils estimaient notamment que MBZ ne pouvait se prévaloir de cette immunité dans ce dossier, alors que la plainte le visait au moment où il était prince héritier et haut responsable de l’armée, et que même si c’était le cas, cela n’aurait pu empêcher les magistrats instructeurs d’enquêter sur les accusations de ce dossier pour en trouver d’éventuels autres responsables.

" La Cour européenne des droits de l’Homme sera très probablement saisie sans délai " de ce dossier, a réagi Me Joseph Breham, avocat des plaignants.

Sollicitées par l’AFP, les autorités émiraties n’ont pas répondu à ce stade.

Le Yémen est ravagé par une guerre opposant depuis 2014 les Houthis soutenus par l’Iran et le pouvoir, appuyé par la coalition militaire menée par l’Arabie saoudite.

Le conflit a plongé le Yémen, pays le plus pauvre de la péninsule arabique, dans l’une des pires tragédies humanitaires au monde. Selon l’ONU, la guerre a fait des centaines de milliers de morts.

Avec AFP